L'exception tunisienne ?

“L’exception tunisienne” poursuit son chemin … Mais où va-t-elle ? sur quelle voie ? 

Aujourd’hui le couvre-feu est levé. La pandémie semble s'être assoupie ...

En reprenant mes habitudes après un mois d'août de l'autre côté de la Méditerranée, est venue pour moi l'occasion d'essayer d'y voir plus clair dans les affres de la politique tunisienne en faisant abstraction de ma vision française et européenne, ma vision manichéenne démocratie vs dictature ...

Deux mois après avoir suspendu les activités du Parlement et “licencié” une bonne partie du gouvernement … chacun attendait une feuille de route de la part de ce Président atypique.

Eh bien nous voici à peu près fixés sur la suite : gel du Parlement, pas d'immunité pour les députés, destitution du président de l'Assemblée parlementaire. Exit Ghannouchi et en contre coup plus d’une centaine de nahdhaouis ont démissionné de leur parti ... … exit aussi bon nombre de députés dont beaucoup se couvraient de ridicule, l’Assemblée ressemblant à une arène … et la gestion du pays n’étant guère considérée comme une priorité …

Certes des abus de pouvoir concernant les libertés individuelles des plus nantis : députés, hommes d’affaires etc.. se sont produits : interdiction de quitter le territoire, arrestations, assignations à domicile,  justice militaire … quant aux violences policières elles sont toujours de mise. Des manifestations pro et anti Saied se succèdent ...

En contrepartie, une offensive anti corruption a été menée, une campagne de vaccination a démarré tambour battant et quelques baisses de prix sont venues rassurer la population.  

Aujourd'hui le Président a les mains libres et les pleins pouvoirs, entouré d’un “comité d’experts” qui va réviser et amender la Constitution ... difficile de savoir s'ils pourront le faire ? et en combien de temps ? difficile d'en prévoir les suites ? qu'en sortira-t-il ? les questions sont plus nombreuses que les réponses ....

Selon Alaa Talbi du FTDES (Forum Tunisien pour les Droits Économiques et Sociaux) la démocratie qu’on a voulu appliquer à la Tunisie calquée sur les pays européens "a produit une démocratie de façade, minée par la corruption et coupée de la société…. multipartisme comme représentation de la société, élections comme source de légitimité, Parlement comme pilier de la démocratie … En dépit des risques de dérive autocratique, c'est l’occasion de faire un bilan de dix ans de transition.” 

 

Bien sûr cela est loin de plaire à tout le monde, les partis sont déboussolés, l'UGTT met en garde mais reste attentiste, les élites craignent pour leurs privilèges qui ont résisté à tous les pouvoirs et par ailleurs la population semble maintenir sa confiance en ce Président un peu "hors sol" ... La société civile est partagée et hier 18 associations ont publié un communiqué commun.  

"Tout en reconnaissant les limites du système politique actuel mis en place par la Constitution de 2014, nous appelons à ce que toute réforme de ce système se fasse dans le plein respect de l’ordre constitutionnel, et notamment du principe de la séparation des pouvoirs et de la garantie des libertés et droits humains. Quel que soit le besoin de repenser le système politique et de réformer la Constitution de 2014, ces réformes ne peuvent pas être dictées unilatéralement par le pouvoir présidentiel sans débat pluraliste ni contrôle effectif."

Je crois que le terme "populiste" s'il n'était pas galvaudé conviendrait bien à Saied. Du coup cette définition du sociologue  F. Tarragoni me semble appropriée. "Depuis trente ans , les médias nous ressassent les mêmes poncifs : le populisme serait démagogique et autoritaire, ni de droite, ni de gauche, mais essentiellement xénophobe et nationaliste; il menacerait nos démocraties, comme jadis le totalitarisme. Ce qu'il s'agit , au fond, de faire via cette instrumentalisation quotidienne, c'est de discréditer l'idée d'une démocratie alternative, hors des institutions établies, et de dénier au peuple une capacité propre à faire de la politique." 

Bien que bizarrement la monnaie reste stable (mais je ne suis pas économiste !) restent que les questions économiques et sociales sous-jacentes sont bien réelles et vitales et qu'il sera difficile d'apporter des solutions rapides ... 

Sur le chemin des "Printemps arabes" qui n'ont guère vu fleurir les graines semées, je veux croire que la Tunisie semble rester un laboratoire plein de promesses ... bien que la voie soit étroite et remplie d'embûches ...

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