Mahboubine, le goût sucré du passé

Oui nous étions à Mahboubine ce dimanche, entre Midoun et El May comme le stipule cette borne placée au coeur du village et dont nous avons découvert l'existence grâce à la sagacité de Najeh.

Mahboubine dont le nom signifie "bien aimés" .

Bien aimée aussi DjerbaRando qui nous a concocté une balade comme je les aime...  A chacun  son rythme et l'on s'arrête mille et une fois pour se gorger du paysage, pour le respirer à plein poumons, pour l'inscrire à jamais dans sa mémoire ... pour se souvenir des moindres détails qui feront de cette journée une journée pas comme les autres.

C'était donc 8 km à travers les pistes de Behbeh entre Mahboubine et Midoun. De beaux chemins, ces "thniya" ou "jada" bordés de "tabia" ces levées de terre qui délimitent le menzel et jouent le rôle de murs naturels préservant ainsi l'intimité des habitants.  Ces "tabia" surmontés  de cactus, d'aloés vera, de figuiers de barbarie , d'aloès qui ralentissent l'érosion des vents toujours présents ici  et qui abritent bon nombre d'insectes, de reptiles et de petits animaux bien utiles pour la conservation de l'écosystème. L'environnement durable à la djerbienne... 

Au coeur de l' île jardin, c'était aussi une balade sous la haute protection des palmiers qui peuplent cette partie de l'île.

Mahboubine, le goût sucré du passé

Nous étions encore dans le village et déjà un menzel abandonné nous attendait. Combien de fois l'ai je vu et revu de la route, je l'avais même photographié avec ses graffitis , ces touches de peinture sobres évoquant la calligraphie arabe et donnant  vie à ses murs. Je crois même qu'il s'agit du travail du street artiste Shoof qui a enchanté aussi certains murs d'Erriadh.  

Mais jamais je ne m'étais approchée de ce bâtiment somme toute encore bien conservé. 1946 c'est la date de sa construction comme l'indique la plaque gravée au dessus de la porte d'entrée, ce vestibule , cette première salle, la skifa réservée aux invités. Le carrelage au sol est appelé carrelage tapis dit on car son raffinement évite qu'on le recouvre de tapis. Les murs intérieurs sont parcourus par une frise peinte, les plafonds sont décorés , les chambres sont dans le style djerbien , une zone basse avec le coin toilettes et la zone surélevée bien aérée... Tout est élégant dans ce menzel ... Grandeur et décadence ...   

Mahboubine, le goût sucré du passé
Mahboubine, le goût sucré du passéMahboubine, le goût sucré du passéMahboubine, le goût sucré du passé

Des menzel , ils sont légion dans ce coin de Behbeh, certains en ruines, d'autres délabrés, d'autres encore abandonnés, mais aussi des rénovés , tout beaux, tout blanc et bleu. 

C'est devant un menzel que Martine (l'une des nombreuses Martine !) ramasse un long bout de bois, en fait le bois d'une palme, il semble strié ou plutôt noirci sur une face par des marques sur toute sa longueur. Et  Aunissa raconte, elle se souvient  que c'est pour jouer à la sigue, un jeu traditionnel que l'on pourrait comparer au mikado ... Alors s'installe un court moment d'éternité et l'on se plait à croire que des enfants vont arriver là, s'installer à l'ombre du palmier et jouer en riant à qui fera la sigue... 

Mahboubine, le goût sucré du passéMahboubine, le goût sucré du passé
Mahboubine, le goût sucré du passé

L'île jardin c'est le domaine des palmiers qui pouvaient abriter sous leur ombre les oliviers, les arbres fruitiers puis enfin les cultures vivrières. Mais aujourd'hui, ils restent bien seuls et quelques rares canaux d'irrigation rappellent encore la splendeur et l'activité de Djerba. 

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Au détour d'un chemin, au pied d'un mur, Khalifa nous interpelle, il s'assied et nous raconte une histoire ... il s'agit d'un marabout ... On serait passé devant mille et mille fois sans le voir ...

Sur le mur brut d'un houch se dégage une partie peinte à la chaux blanche, devant un renflement arrondi et creusé juste pour mettre quelques oboles ... à côté quelques pierres scellées pour s'asseoir et réciter des prières et au dessus une petite cavité pour allumer de l'huile ou recevoir une bougie... et voilà tout est là pour attirer le bonheur sur la maison et ses habitants... même si la croyance à des saints n'est guère tolérée par l'Islam ... Un petit marabout , un lieu de culte populaire complètement intégré à l'espace, vraisemblablement loin d'être abandonné et qui doit encore recevoir les visites des gens du quartier. Encore un petit moment d'éternité. 

Mahboubine, le goût sucré du passé
Mahboubine, le goût sucré du passé

Une bien belle balade en tout cas, toute simple mais bien ancrée dans la culture de l'île, une balade comme je les aime avec en prime la bonne humeur de chacun , les nombreuses explications de Khalifa, les bons mots des uns, les discussions des autres et même les chants de Najeh pour nous accompagner gaiement sur les pistes . 

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